Edmond Morsilli

BIO

MES ORIGINES

Bonjour,

J’ai réalisé en l’écrivant que mon parcours de vie est ma richesse, et qu’il me mène tout naturellement vers vous.  Voici donc exposé ci-dessous, quelques événements et expériences de mon passé qui nourrissent l’élaboration de cette technique de jeu nommé T’chi clown en 2001.

Né de parents italiens en 1958, « on » me demande d’oublier ma langue maternelle pour m’intégrer plus rapidement. Je joue le jeu jusqu’en terminale (E, mathématique et technique).

DEBUT DE VIE ACTIVE

En 1977, j’obtiens un brevet de technicien en énergie solaire. Je suis embauché dans l’entreprise qui m’a formé. Je m’investis à fond dans son projet de créer un village en montagne, énergétiquement autonome grâce aux cascades et au soleil. Après deux ans de travail euphorique les banques ne suivent pas, elles obligent nos ingénieurs à mettre la clé sous la porte et à nous licencier. Le coup est rude, en pleine face, en plein nez. J’en veux à la société et l’utopie d’un mode de vie en accord avec mes valeurs réintègre mes rêves.

DÉCOUVERTE DU THEÂTRE

En 1980, pour me relever et voyager dans ma tête, je m’inscris à un cours de théâtre: « Les Comédiens Réunis ». L’année suivante je rentre dans la troupe et m’exhibe trois fois par semaine avec mes camarades dans un spectacle de divertissement sans prétention qui me permet, après plus de 100 représentations, de me sentir à l’aise sur scène.
Un an après nous sommes trois comédiens à fuir cet endormissement pour créer « Zibaldone », une compagnie qui va dans les écoles primaires faire du spectacle écolo-militant. Nous nous épanouissons dans notre nouvelle vie de saltimbanques, chargeant et déchargeant un décor bleu de notre estafette bleue, jusqu’au jour où j’ai envie de pousser plus loin mes expérimentations théâtrales.

MES INFLUENCES MARQUANTES

De 1981 à 1988 je me forme auprès de différents metteurs en scène, par des stages, des ateliers et en participant souvent à leurs créations. Chacun d’eux a son discours sur le théâtre et je suis perplexe quant à la convergence de ces différentes démarches  pour agir sur le « monde réel ». Une de mes rencontres les plus marquantes est celle d’Alain Peillon. La place qu’il donnait (il n’est malheureusement plus de ce monde) au comédien créateur et à l’improvisation m’autorise à croire que je peux développer un point de vue personnel pour m’adresser aux « classes populaires » dont je suis issu. Dans son théâtre à l’IREP,  je m’exerce à la mise en scène et à la direction d’acteurs.
Une autre grande découverte est celle de la technique d’acteur de Grotowski transmise par un hongrois qui vient d’arriver en France: Gabor Csetneki. Avec lui, il ne s’agit pas d’incarner des personnages dans une fiction mais d’entre- croiser des parcours scéniques répétitifs pour que nos corps et nos voix  se métamorphosent. Nous cherchions, avec l’enthousiasme lié à notre jeunesse, à  entrer en vibration avec le public. Notre performance « Mass musique » présentée en 1985 au festival de Lyon des jeunes compagnies, vide la salle de ses spectateurs et met brutalement fin à notre théâtre-laboratoire. Le coup est rude, en pleine face, en plein nez et l’utopie de l’acteur-chamane s’en retourne dans les limbes du théâtre.

En 1988 je vais voir ailleurs et découvre le théâtre de rue avec la compagnie « Skwatt théâtre » en résidence à St Priest. Grâce à des techniques corporelles rapidement acquises, je vais faire la manche avec mes nouveaux compagnons dans les premiers festivals de rue qui commencent à pérenniser leur rendez-vous avec le public : Châlon, Aurillac, Annonay… En 1989, nous décidons de saisir l’opportunité du  bicentenaire de la révolution française, j’écris un texte qui permet à la troupe de réunir, la jongle, l’acrobatie, le feu et l’escrime et nous créons un spectacle de rue en costumes d’époque: « Baston Bastille ». Sa labellisation par une commission nationale nous donne une place parmi les spectacles référencés à cette occasion dans un livret distribués aux municipalités, ce qui  permet de jouer dans toute la France. Pour nous former « sérieusement » nous organisons une formation d’acteur avec Philippe Hottier (ex-comédien au Théâtre du Soleil ) qui nous transmet pendant plusieurs mois de stages, son expérience de huit années auprès d’Ariane Mnouchkine.  Il nous fait découvrir l’attitude de l’acteur-créateur, anoblit à nos yeux le travail clownesque et nous encourage à nous livrer entièrement dans notre mission d’artistes de rue, éveilleurs de conscience. Fin des années quatre vingt, les parades d’échassiers sont en vogue et beaucoup de saltimbanques quittent leurs tréteaux pour se jucher sur des échasses. Cet engouement touche aussi notre troupe. Le coup est rude, en pleine face, en plein nez et l’utopie d’une compagnie d’acteurs de rue délivrant ses messages citoyens s’en va courir le cachet.

En 1990, je joue seul sur scène un texte de JF. Guilloux. Thierry Chantrel, l’un de ses amis aillant vu mon solo, me propose de rejoindre un groupe dirigé par Jean-Luc Bosc pour créer leur premier spectacle. Avec leur compagnie « Sortie de Route »  je joue de 91 à 94 dans « Vol au-dessus d’un nid de coucou », « L’horizon en pente » et « Don Quichotte » : énormes succès à « Avignon off  » et belles tournées en France et à l’étranger. La troupe adore cette « vie d’artiste »…. mais je sens arriver l’ennui. Comme si mon personnage théâtral perdait progressivement les impulsions et la sensibilité qui l’ont fait naître. Jacques Chambon, l’un des compagnons de route, m’avait déjà à l’époque qualifié « d’expérimentateur sensoriel ». En juillet 93 au festival off d’Avignon, nous jouons Don Quichotte au Big Bang et juste avant nous, dans la même salle, il y a « Embarquez-les », 5 clownes formées par Vincent Rouche. Je suis touché par leur finesse de jeu, l’intimité qu’elles entretiennent avec leur public. J’assiste à presque toutes leurs représentations avant d’aller me préparer pour jouer mon rôle dans Don Quichotte. C’est sans doute là, face à cette forme de clown minimaliste que j’en ai pris plein le nez jusqu’à vouloir mettre ma sensibilité propre en jeu. Mon intérêt pour la compagnie de tournée s’estompe, je la quitte après Don Quichotte, peu après notre 100ème au Théâtre des Célestins à Lyon.

UNE DÉMARCHE SINGULIÈRE AU CAVEAU MAGENTA

Ce même mois de juillet 1993 Dany Morsilli, ma sœur cadette, vient nous voir jouer sur Avignon et m’annonce qu’elle a déniché une friche industrielle à Villeurbanne pour y créer une école de danse qu’elle nommera « Scène Formations ». Elle me propose de réhabiliter le sous-sol insalubre et nauséabond pour développer mes activités théâtrales. Incroyable! Voilà donc l’occasion d’expérimenter de nouvelles formes théâtrales et de créer au plus proche de qui je suis. Nous sommes une poignée à transformer ce sous-sol, merci Michel Boutran et Charlotte Légaut, en un véritable petit cocon pour une compagnie à naître. Après un mois de travaux herculéens, nous avons un petit théâtre de poche « Le Caveau Magenta » dans lequel je propose un stage dont l’objectif est de créer une compagnie de clown.

Charlotte Légaut, jeune illustratrice graphiste qui participe aux travaux d’installation fait partie de ce stage et donne une identité graphique à cette compagnie naissante: « Les Clowns du Léger Bagage ». Pendant 7 ans, nous créons et présentons nos spectacles au Caveau Magenta, régulièrement fréquenté par des spectateurs curieux de voir évoluer des clowns différents, des créatures extraordinaires, rampantes, sautillantes, se lovant sur le sol comme des larves ou vibrant dans l’espace comme des frelons. Nous sommes programmés dans des festivals, en salle, dans la rue, dans des salons du livre… De 1994 à 2001 nous créons « Traces de nez » – « La chaise » – « Des airs de coquille » puis « Étrange passage » en duo avec Charlotte Légaut et « Démon », mon solo auto-bio.

Pendant ces années de création, je pratique le Taï chi chuan avec Jean-Pierre Cayrol et découvre le théâtre traditionnel japonais (Nô) avec Shiro Daïmon. Les cours de danse de Dominique Buttaud  me permettent d’accéder à une représentation plus juste de mon squelette. Jean-Philippe Seunevel m’initie à son Chant Spontané dans des duos  interactifs présentés au Caveau Magenta. Toutes ces rencontres enrichissent mon rapport au corps. Méthodiquement, au sein de la compagnie Les Clowns du Léger Bagage, nous faisons évoluer nos exercices de préparation au jeu vers l’authenticité de l’acteur par la gestion de l’énergie corporelle et le centrage. C’est dans une de ces périodes de recherche sur l’intimité que Bernard Gerland, acteur dans « La chaise », nous livre un épisode traumatisant de sa vie qui prendra la forme du récit qu’il nommera « Ma guerre d’Algérie » et qu’il produit toujours sur scène depuis plus de vingt ans.

En 1997, au Caveau Magenta, riche des enseignements qui nous sont donnés par nos « mises-à-nu » d’acteurs, je commence à proposer des stages et ateliers de clown ouverts au grand public. Stages que je construis sur la base du travail d’acteur donné par Philippe Hottier et que je complète avec les découvertes faites dans la compagnie « Les Clowns du Léger Bagage ». Stages et ateliers au cours desquels je propose aux participants de se déplacer et d’entrer en contact dans le noir total pendant 20 minutes, pour qu’ils aient accès à une forme d’énergie corporelle intime « réelle » vécue pendant le moment de l’expérimentation.

LE DÉBUT DU T’CHI CLOWN

Cette façon de faire du théâtre, grâce au nez rouge qui permet d’oser se dire au plus vrai, d’oser se découvrir soi-même en se livrant, qui permet d’explorer une forme d’intériorité en jeu, m’intéresse. Je relie cette façon d’être acteur à ma pratique du taï chi chuan et j’ai l’intuition que je peux m’engager sur cette voie en recherchant mes multiples identités face au public. Je commence alors à développer des « Performances artistiques » ouvertes au public avec des acteurs, des danseurs et des musiciens, dans le Caveau Magenta et dans les rues de Lyon.

En 2001 j’affirme la singularité de ma démarche en communicant mes propositions de stages et d’ateliers sous le nom de T’chi clown:  « jeu avec l’énergie libérée par le corps de l’acteur en état d’improvisation ».

En 2003 je perds le statut d’intermittent du spectacle et développe mes activités créatrices dans l’école de danse Scène Formations et dans d’autres structures associatives.

L’association Tchiclown

Un groupe de fervents pratiquants réunis dès 2001, crée l’association Tchiclown en 2005 pour me donner les moyens de continuer à proposer mes ateliers et m’aider à faire évoluer cette approche du jeu. Depuis 2008 je suis salarié de cette association. Les membres du bureau et administrateurs d’aujourd’hui me soutiennent pour développer mes activités.

Cela fait bientôt 20 ans que je propose des ateliers et des stages de T’chi clown et j’ai encore et toujours envie de découvrir des consignes de jeu qui  mettront en interrelation les dimensions  inouïes de nos êtres vivants. J’ai encore l’impression de ne pas  « jouer le jeu » du calibrage et de la rationalisation de cette activité. Je me refuse à faire entrer le T’chi clown dans la société marchande en formant des formateurs. Je prévoie la fin du T’chi clown le jour où je ne serais plus en mesure d’animer un stage ou un atelier. Toutes ces moments de vie partagés avec ceux qui me font l’honneur de venir à mes stages ou à mes ateliers sont ma « nourriture » d’esprit.

Mes intentions de départ sont toujours là: en quête de cet autre qui n’est pas moi . Il me semble que je ne pourrais jamais me lasser d’expérimenter le je(u) de la rencontre. L’entre-deux je(u) dans l’antre de l’espace scénique.

REPÈRES 

Cette bio ci-dessus, retraçant succinctement des périodes de mon passé dans l’objectif de faire sens, de raconter d’où vient le t’chi clown, serait incomplète si je n’évoquais pas ci-dessous quelques démarches qui m’inspirent toujours et quelques personnes avec qui je reste en contact pour continuer mon chemin.
Le premier spectacle de clown qui m’a ouvert à cet art était « La curiosité des anges » par la Cie de L’entreprise en 1988 (l’année de sa création). J’ai ensuite fait des stages avec François Cervantes .
Je vais régulièrement assister aux « Dance in progress » de Dominique Buttaud.
Depuis 2005 je retrouve régulièrement Samuel Sclavis professeur de Tai ji quan (enseignant dans l’école qu’il a créée et aussi à Art en Scène – école d’acteurs -). Nous prenons le temps de laisser venir les métaphores autour du concept d’énergie pour définir ensemble des ponts entre sa pratique énergétique quotidienne et le travail d’acteur.
Aujourd’hui, grâce à internet, je peux aller voir des images sur les techniques corporelles que j’ai découvertes il y a quelques dizaines d’années par des livres, des conférences ou des stages ; notamment des vidéos de Danis Bois et sa pédagogie perceptive, des images et des écrits sur le Body Mind Centering, sur la méthode Feldenkrais et sur la méthode Alexander.

REMERCIEMENTS

Ma bio t’chi clown n’est, je l’espère, pas terminée mais il est temps de vous quitter, non sans vous dire à quel point je dois aujourd’hui mon inscription dans la vie sociale à toutes les personnes qui viennent faire des stages de découverte, aux stagiaires qui reviennent sur plusieurs saisons et dont la qualité de pratique et les conseils m’aident à affiner la technique de jeu, à ceux qui me font intervenir auprès de leur public dans le cadre de formations professionnelles, à ceux qui produisent des écrits sur l’expérience qu’ils vivent en atelier ou en stage notamment Bernard Lestriez et Odrée Herbinet qui ont co-écrit le livre « Récit de voyage en terre T’chi clown » . Je remercie plus particulièrement les administrateurs et le bureau de l’association Tchiclown dont la trésorière remplie régulièrement et bénévolement mes fiches de paye depuis plus de 10 ans. Merci à eux de voyager à vue de nez avec moi. Merci à vous, que je ne connais pas et qui m’avez nez-en-moins accompagné jusqu’à ce bas de page. J’aurai beaucoup de plaisir à vous rencontrer en chair et en os, en jeu et en je.

Bon T’chi !